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Fin de vie :

J'aide des personnes à mourir, comme j'ai jadis aidé des filles à avorter

On doit pouvoir maîtriser notre vie jusqu'à la fin

Le suicide médicalement assisté, ils sont pour. Une conférence de citoyens, mise en place par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), préconise sa légalisation. Une bonne nouvelle pour Claude Hury, présidente de l'association française Ultime liberté, pour le droit à mourir dans la dignité, qui a accompagné plusieurs personnes souhaitant mettre fin à leur vie. Le docteur Devalois, chef du service de l'unité de soins palliatifs de l'hôpital René Dubos à Pontoise,

Ce n’est pas simple de voir quelqu’un mourir devant soi. La plus marquant, ça a été la première fois. Une dame âgée qui commençait à être paralysée m’a demandé de l’aider à partir. Je l’ai rencontrée régulièrement pendant un an et demi, afin de l’aider à faire son dossier. Dans une telle situation, il faut se préparer pour que les enfants n’aient rien à gérer. On fait d’abord le bilan de la situation pour essayer de voir s’il existe des solutions. La première question à se poser est : est-ce que cette personne est dans une situation où il n’y a aucun mieux envisageable ? Est-ce que sa qualité de vie est définitivement détériorée ? La dépression, par exemple, peut être soignée, contrairement à la maladie d’Alzheimer, à la paralysie progressive, ou à un handicap qui s’est installé. Des suicides médicalement assistés à l'étranger

En France lorsqu’une personne en phase terminale décide de mourir, on applique la loi Leonetti en aidant la famille à trouver une solution pour le traitement de la douleur, quitte à ce que celui-ci entraîne la mort. Mais pour les personnes ne voulant pas aller en soins palliatifs, il n’est pas évident de faire appliquer la législation. 90% des gens qui m’appellent sont des personnes dans l’urgence car souffrant d’une maladie neurodégénérative. Elles ne sont pas en fin de vie, cela peut durer plusieurs années, mais elles ne veulent pas passer le restant de leurs jours dans un fauteuil roulant. Il y a aussi beaucoup de personnes âgées qui commencent à être dépendantes et ne l’acceptent pas, et qui ne rentrent donc pas dans le cadre de la loi.

La majorité des cas que je vois sont des personnes qui ne vont pas mourir à courte échéance. Elles sont prises en charge à l’étranger, en Suisse, où les suicides assistés sont autorisés. Une mort douce, rapide et sereine Pour cette première vieille dame que j’ai aidée, nous avions obtenu la possibilité de mettre fin à ses jours en Suisse grâce à l’association Dignitas. Celle-ci n’avait à l’époque pas de maison identifiée, nous étions dans un hôtel. La vieille dame s’est allongée, tenant la photo de son mari et elles entre ses mains, puis elle a bu le pentobarbital (le produit barbiturique que nous utilisons en Suisse) et s’est endormie tout de suite. Son cœur s’est arrêté 10 minutes après. Cette femme s’est exprimée jusqu’au bout, en pleine conscience de ce qu’elle faisait, et s’est assoupie dans le calme, apaisée. Je suis restée une heure à ses côtés. Elle n’avait pas changé. Elle était belle et avait eu une mort douce, rapide et sereine.

Pour ces personnes que j’aide, la mort est un tel soulagement que ce n’est en rien traumatisant. Elles sont délivrées de leurs difficultés à vivre. Je me souviens d’une femme schizophrène de 43 ans qui s’est mise à bâiller dès que l’on a passé la frontière, alors que ça ne lui était pas arrivé depuis trois ans. En France, aucun psychiatre n’avait voulu faire le bilan de son état de santé. Elle n’en pouvait plus et ne supportait plus sa qualité de vie, elle a décidé d’en finir. À la fin, elle m’a dit "enfin, la radio s’arrête !". Cette radio, c’était les voix qu’elle entendait depuis des années et qu’elle ne pouvait contrôler.

Voir toutes ces personnes partir est particulier, mais pour moi, les aider est aussi important que le soutien que j’ai pu apporter jadis à des filles pour des grossesses non désirées. Je n’ai pas de maladie et n’ai jamais eu à avorter, mais le jour où ça n’ira plus, je veux pouvoir partir comme je le souhaite. On doit pouvoir maîtriser notre vie jusqu'à la fin

C’est une approche différente par rapport à notre mort : pour pouvoir aider les autres, il faut pouvoir être clair avec soi-même. Pour moi, le sexe et la mort n’ont jamais été des sujets tabous. Je me revois, un jour de Noël, dire à mes filles "voilà ce que je veux si je meurs !". Le tout est d’avoir le choix. Une personne m’a dit, une fois : "Vous m’avez redonné goût à la vie". Elle avait une sclérose en plaques et est restée pendant 18 mois dans l’angoisse de se voir paralysée. Elle voulait se pendre, se défenestrer. Mais lorsqu’elle a su que l’association existait, elle a commencé à ressortir, à rencontrer des gens, à faire des activités, car au fond d’elle, elle savait désormais que l’on pouvait l’aider. Que le jour où elle en aurait besoin, on serait là. Notre slogan, peut-être présomptueux, est de ne laisser le choix de la mort ni au médecin, ni à la famille, mais à la personne dans le besoin : on doit pouvoir maîtriser notre vie jusqu’à la fin.

Maitriser Sa Fin de Vie
Tag(s) : #Maitriser Sa Fin de Vie
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